Burundi : Des défenseurs des droits humains plaident pour une loi sur la succession  

Les activistes de la société civile burundaise demandent au législateur d’accélérer le processus d’adoption d’une loi sur les successions, les régimes matrimoniaux et les libéralités. Selon eux, l’absence des textes régissant la succession pourrait être à l’origine des conflits, alors que la constitution de la République du Burundi défend le principe de l’égalité entre tous les citoyens.

Des défenseurs des droits humains au Burundi plaident pour une loi spécifique sur la succession qui permettrait aux femmes d’hériter comme les hommes. Jusqu’aujourd’hui, au Burundi, la succession est encore régie par la coutume. Or, cette dernière réserve l’héritage aux hommes seulement. Ceci viole la constitution de la République du Burundi qui défend le principe de l’égalité entre tous citoyens à ses articles 13 et 22. Certains membres des organisations de la société civile avec qui nous nous sommes entretenus montrent leurs préoccupations. Ils espèrent que les décideurs politiques vont comprendre leur plaidoyer et faciliter l’adoption de ladite loi.

Augustin Niyongabo, le coordinateur du réseau Burundi MenEngage (BMEN), trouve qu’empêcher les femmes d’hériter la terre de leurs parents au même titre que les hommes est une atteinte à leurs droits socio-économiques. Il l’explique : «Les femmes sont parfois refusées l’accès au crédit bancaire car elles n’ont pas de garantie à présenter, alors qu’elles pouvaient hypothéquer une partie de la terre si la loi sur la succession était déjà votée ».

Plaidant pour l’adoption de cette loi, Niyongabo montre également les conflits qui arrivent en cas d’une femme qui met au monde un enfant en dehors du mariage par exemple. « Si cette femme n’a pas eu la chance d’être mariée chez quelqu’un qui l’a engrossée, son enfant ne peut pas hériter chez ses oncles. Elle est à la charge de sa mère, alors que cette dernière n’a droit qu’à une petite portion de la terre selon la  coutume. Il est temps que le législateur pense à tous ces problèmes », explique-t-il.

Le coordinateur de BMEN fait savoir que son réseau ne ménagera aucun effort pour plaider afin que l’héritage des femmes soit une réalité.


Augustin NIYONGABO: «Les femmes sont parfois refusées l’accès au crédit bancaire car elles n’ont pas de garantie à présenter, alors qu’elles pouvaient hypothéquer une partie de la terre si la loi sur la succession était déjà votée »

Marie Concessa Barubike, coordinatrice des projets au sein de l’Association des Femmes Rapatriées du Burundi (AFRABU) salue d’abord certaines avancées. « Bien qu’il n’y ait pas encore des textes juridiques régissant la succession, nous voyons que le juge a, quand même, devancé le législateur. Des fois, s’il s’agit de partager la propriété foncière, nous voyons qu’il y a des cas où le juge considère au même pied d’égalité les garçons et les filles malgré l’absence d’une loi spécifique. Cela devrait inspirer le législateur afin d’accélérer l’élaboration de la loi sur la succession qui donnera des orientations claires en la matière ».

Cette activiste de la société civile montre que l’absence de ce texte de référence pourrait même provoquer des conflits entre frères et sœurs. Elle donne un exemple : « quand par exemple un parent a un enfant bien aimé plus que les autres et qu’il décide de lui léguer une partie de sa propriété sans consensus avec les autres, c’est vraiment injuste. C’est la loi sur les successions, les régimes matrimoniaux et les libéralités qui devrait régir tout cela », déplore-t-elle.

Barubike montre encore d’autres irrégularités liées à l’absence de cette loi spécifique. C’est notamment le cas de certification foncière qui est en train d’être opérée dans certaines communes du Burundi. Elle précise qu’il y a des fiches où seul l’homme appose sa signature. Pourtant, déplore-t-elle, la femme devrait aussi signer. De plus, poursuit-elle, toutes les fiches ne sont pas identiques. Il y en a qui disposent d’un espace de signature pour l’homme et pour la femme. Et d’autres qui n’en a pas. Pour cela, l’activiste interpelle le législateur à considérer tous ces cas et voter des textes juridiques.

Vers une solution ?

A l’occasion de la célébration de la journée internationale des femmes, le 8 mars 2022, le Président de la République du Burundi, Evariste Ndayishimiye, a demandé au forum national des femmes de lui faire une analyse par rapport au projet de loi sur les successions, les régimes matrimoniaux et les libéralités. Le forum s’y penche. Il s’apprête à transmettre son analyse au chef de l’Etat prochainement.

Signalons que le projet de loi sur la succession a été préparé, depuis 2004, mais, jusque-là, n’a pas encore été votée.

Alexandre Ndayishimiye